Free Britney, malheureux condensé des causes d’abus ?

Damien Hottelier
3 min readJul 11, 2023

J’ai visionné Controlling Britney Spears, malheureux condensé d’à peu près toutes les causes amenant à des abus dans le domaine de la protection de l’adulte :

  • confusion d’intérêts du mandataire ;
  • crédibilité nulle de la personne concernée ;
  • absence de respect des droits strictement personnels.

Croire cette saga unique relèverait de la plus naïve crédulité. Ces ingrédients se retrouvent très fréquemment dans la protection de l’adulte et pour cause : ils en sont quasi-constitutifs, pratiquement inhérents à ce type de décision.

La situation générale en Suisse est bien meilleure qu’il y a quelques années. Le nouveau droit a considérablement dépoussiéré une institution alors dépassée. Les piliers figurant dans la loi sont fondamentalement justes.

Dans la pratique également, l’évolution s’est nettement faite sentir. Les cantons “administratifs” sont devenus davantage civilistes et respectueux de l’autonomie des personnes concernées. Les curatelles de portée générale sont bien moindres que les tutelles de l’ancien droit.

Le danger vient de certains cantons ne dotant et n’institutionnalisant que peu les autorités de protection de l’adulte, en particulier ceux qui les renvoient à des financements communaux. La comparaison n’est pas forcément aisée : les tâches des autorités regroupent souvent plusieurs casquettes dans les cantons “civilistes”, alors que les cantons “administratifs” sont restés dans des autorités plus spécialisées.

La confusion d’intérêts se retrouve souvent dans les situations. Dans le dossier de Britney Spears, le fait que son curateur obtienne un pourcentage de ses gains dépasse l’entendement. Mais le curateur peut avoir un intérêt financier direct à la multiplication de ses actes comme à la poursuite de son mandat. La Suisse connait une succession d’affaires dans lesquelles les Cantons ont dû ouvrir les cordons de leurs bourses en raisons d’inconduites de ces gens.

Comment en sortir ? Seules des règles claires et réellement surveillées permettent d’en diminuer l’occurence comme les effets. Des pointages ne sont pas admissibles : pour veiller sur les plus faibles, la société se doit d’assurer une surveillance efficace de toutes ces situations. Il s’agit en particulier d’un véritable suivi, individuel et judiciaire, des personnes, d’éviter de cumuler les missions sur la même personnes, etc.

La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.
Préambule de la Constitution.

La crédibilité nulle de la personne concernée provient du simple prononcé de la mesure : le seul fait de devoir décréter une personne incapable de gérer tout ou partie de ses intérêts préfigure la suite de la prise en charge. Tout comme la tendance universelle — et compréhensible en faisant preuve d’une certaine empathie envers les intéressés — de se plaindre de son curateur, parfois en affabulant. Je range l’abus d’autorité dans cette catégorie, l’absence de crédibilité en étant à mon sens la cause-mère : il est difficile en pratique de se plaindre d’un abus et d’être cru. Dans le dossier de Britney Spears, l’abus d’autorité manifeste — des “sanctions” du type iPhone confisqué, refus de financer le repas de son choix ou d’acheter des baskets à 100 USD (!) malgré 60'000'000 USD sur son compte — est automatiquement renforcé de par l’absence de crédibilité de la star, étiquetée comme non-compliante.

Comment en sortir ? Le problème est humain et exige de se refuser à la facilité comme aux jugements rapides. La solution ne peut donc être qu’humaine : du temps, de la formation et de l’écoute, tant chez les curateurs que dans les autorités. Cela ne se résout très clairement pas par quelques lignes de droit — en particulier, le droit suisse contient quelques lignes en ce sens — , mais par la constitution d’une sorte de culture d’entreprise visant à assurer ces valeurs… et des budgets appropriés pour la justice de paix.

Déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l’autre et l’équité.
Préambule de la Constitution.

L’absence de respect des droits strictements personnels est également un problème insoluble. Le respect de l’humain en tant que tel impose — inconditionnellement ! — que ces droits sont respectés, même s’ils apparaissent déraisonnables.

Les symptômes sont flagrants dans le cas de Britney Spears — les refus de se marier, de procréer, de ne pas fréquenter une institution de santé mentale, la surveillance audio de la chambre à coucher (!), la lecture de tous les messages (!), l’écoute des conversations (!), la surveillance de la correspondance entre l’avocat et la star (!), etc.

Comment en sortir ? Par des voies de plainte facilitées — une sorte de référé serait très appréciable — et la fin du processus visant à individualiser concrètement ce domaine, qui ne viendra que par le changement des mentalités et — surtout ! — des ressources en proportion.

Seul est libre qui use de sa liberté.
Préambule de la Constitution.

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