L’intervention de l’autorité de surveillance dans l’affaire dite d’Alain Berset

Damien Hottelier
3 min readJan 14, 2021

Note préalable : ce blog n’est pas politique et évite les sujets qui sortent du cadre du droit de la famille. Ce billet d’humeur est l’exception qui confirme la règle.

Beaucoup se sont émus de l’intervention spontanée de l’Autorité de surveillance du ministère public de la Confédération dans l’affaire dite d’Alain Berset. Ils y voient la marque d’une autorité beaucoup trop intrusive.

Toutefois, n’en déplaise à Christian Lüscher et consorts, la décision du Ministère public de la Confédération est extrêmement particulière.

Oui, elle touche une personnalité publique et très influente, ce qui pourrait justifier en soi l’ouverture d’une instruction visant à vérifier que le droit pénal a été correctement appliqué.

Mais ce n’est pas là le point central de mon propos. Dans une société démocratique, le droit est la base et la limite de l’activité de l’Etat et rien dans le droit pénal ne justifie qu’une personne soit astreinte, par des pressions directes ou indirectes, à effacer l’intégralité de son patrimoine, fût-il numérique.

C’est pourtant bien ce qui s’est passé dans cette affaire puisque la personne concernée a, selon les informations figurant dans la presse, non seulement effacé les éléments en lien avec l’affaire, mais également l’intégralité de ses données.

Plus exactement, elle a consenti à ce que ses données soient effacées par les autorités pénales.

En 2020, quel crime justifie-t-il qu’une personne efface l’intégralité de sa vie numérique, composée de ses photographies, de ses messages, des vidéos de ses enfants, de ses archives financières, des notes qu’on peut se faire parfois sur un téléphone, des travaux de toutes sortes qu’on a pu y préparer?

Rien, à tout le moins pas le droit pénal, puisqu’une telle exigence serait immédiatement taxée d’exagérée et de parfaitement inacceptable.

Et c’est bien là que l’Autorité de surveillance du ministère public de la Confédération a parfaitement raison. Cet élément consistant en l’effacement total de la vie numérique de l’intéressée a été jugé suffisamment central pour figurer en bonne place dans l’ordonnance pénale et les autorités y ont apporté leur concours en l’exécutant elles-même.

A un moment donné, cette personne a donc donné son accord à la suppression de ces données.

Dans quelles conditions cet accord est-il intervenu? S’agissait-il d’une recommandation de son avocat et éventuellement d’une suggestion du Ministère public ou du mandataire de la partie plaignante? Le fait qu’une mesure aussi forte ait été prise dans une procédure pénale démontre en soi un caractère exceptionnel.

Puisqu’il y a un tel caractère exceptionnel associé à une personnalité aussi influente, la décence commande de vérifier qu’une mesure aussi incisive n’est pas le fruit d’une contrainte quelconque. Plus encore, qu’elle n’a pas été proposée par une autorité.

Auquel cas, je trouverais cela extrêmement regrettable.

Ce seul élément démontre à l’envi que de tels cas, qui se terminent en ordonnance pénale et par conséquent par l’impossibilité par un tiers de revoir les fondements et le bon déroulement de la procédure, exigent un contrôle de l’autorité de surveillance.

Par volonté politique, les rôles de l’accusation et de l’instruction ont été mélangés en 2011 dans un sorbet au goût et à la texture discutables. De temps en temps, une autorité de surveillance doit être à même de goûter le plat et le renvoyer en cuisine si la décoction est trop salée.

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