La mise en danger de soi-même comme condition du PAFA consécutif à une mesure pénale / La subsidiarité dans le PAFA à la fois sur le choix de la mesure et de ses modalités

TF 5A_567/2020 du 18 septembre 2020

PAFA / Maladie psychiatrique / Subsidiarité

Damien Hottelier

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Dans cet arrêt, une personne souffrant de troubles délirant est libérée d’une mesure pénale (au sens de l’art. 59 CP) et placée dans la foulée à des fins d’assistance par l’APEA.

Cette personne — ou son représentant — ne nie pas sa maladie, mais la dangerosité réelle qui en résulterait.

Elle recourt et perd sur le plan cantonal.

Devant le Tribunal fédéral, elle plaide successivement :

  • qu’il s’agit d’une continuation illicite de la mesure pénale. Le TF nie, dès lors que la décision de placement se fonde essentiellement sur le risque causé au recourant lui-même (consid. 2.2) ;
  • que le risque d’oublier de s’alimenter et de boire n’est pas suffisant. Le TF nie : le risque établi de négliger la consommation d’aliments et de liquides peut très bien représenter un danger pour soi-même qui justifie une mesure (consid. 2.2) ;
  • que la mesure n’est pas proportionnelle. Le TF rappelle que la subsidiarité est un élément clef de l’ensemble du droit de protection de l’adulte. Dans le cas d’espèce et alors que la maladie du recourant ne peut être traitée dans le sens d’une guérison, le placement se fait vraisemblablement sur une très longue durée, si ce n’est à vie. Il existe également différents types de placement, qui engendrent des restrictions plus ou moins importantes sur les personnes. Ce contexte exige de soigneusement vérifier si des mesures moins incisives sont possible. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral constate que l’autorité inférieure n’a pas véritablement cherché si de tels aménagements sont possibles. Le grief est donc admis et l’affaire renvoyée à l’autorité inférieure pour instruction et jugement au sens de ces considérants (consid. 3).

Merci à Me Shirin Hatam, de Pro Mente Sana, pour avoir attiré mon attention sur cet arrêt. d

Traduction libre

Arrêt du 18 septembre 2020

II. Cour de droit civil

Composition
Le juge fédéral von Werdt, président de Cour,
Le Juge fédéral Bovey,
Le juge fédéral suppléant Th. Geiser,
Le Greffier Gutzwiller.

Partie à la procédure
A.________,
représenté par Me Stephan Bernard, avocat,
Recourant,

contre

Autorité de protection des enfants et des adultes (APEA) U.________.

Sujet
Placement à des fins d’assistance,

Recours contre le jugement du Tribunal cantonal de Lucerne, 2e chambre, du 18 juin 2020
(3H 20 28 / 3U 20 34).


Les faits de l’affaire :

A.

A.a. Le 2 juin 2016, ainsi qu’à plusieurs reprises avant cette date, A.________ a menacé sa fille aînée, alors âgée de 16 ans, de la tuer ou de tuer quelqu’un de la famille si elle devait se rendre au camp de la classe — laquelle était mixte. Il a également menacé les membres de sa famille de les tuer s’ils ne priaient pas régulièrement.

A.b. Dans le cadre de la procédure pénale engagée pour ces menaces, A.________ a justifié ses menaces en disant qu’il était al-Mahdi (le prophète de la fin des temps ou douzième prophète). Il avait reçu d’Allah et de l’archange Gabriel le code correct pour l’interprétation du Coran et l’ordre de proclamer le véritable Islam. En dehors d’Allah, sa façon de traiter sa famille ne regarderait personne. L’expert médico-psychiatrique mandaté dans la procédure pénale a diagnostiqué un trouble délirant au sens de la folie religieuse (CIM-10 F22.0), qui au moment du crime avait entraîné une extinction totale des facultés cognitives et donc l’irresponsabilité pénale. Dans son jugement du 20 avril 2017, le tribunal de district de Hochdorf a estimé que A.________, irresponsable, avait commis à plusieurs reprises des actes de contrainte et des tentatives de contrainte au sens de l’article 181 CP et, en application de l’article 19 al. 3 CP, a ordonné des mesures thérapeutiques en milieu hospitalier au sens de l’art. 59 al. 1 CP.

A.c. Par la suite, A.________ a été traité en tant que patient hospitalisé à la Clinique de psychiatrie légale V.________ et, en décembre 2019, afin de poursuivre la mesure d’hospitalisation au sens de l’art. 59 CP, il a été transféré au Centre de soins B.________, où il a reçu des soins médicaux et infirmiers hebdomadaires des employés du Centre de thérapie légale ambulatoire de la Clinique C.________.

A.d. Dans le cadre de l’examen annuel de la mesure au titre de l’article 62d al. 1 CP, A.________ a exprimé, lors de son audition, le souhait d’être autorisé à quitter le pays ou d’être transféré dans un foyer résidentiel ouvert au Soudan, et a demandé une libération conditionnelle de l’exécution de la mesure. Le Service de l’exécution et de la probation du canton de Lucerne (VBD) a rejeté cette demande. En revanche, son recours devant le tribunal cantonal de Lucerne a été accueilli dans la mesure où, dans son jugement du 14 février 2020, le tribunal a ordonné la levée de la mesure d’hospitalisation et la libération de A.________ puis sa remise aux autorités civiles compétentes dans un délai de deux mois.

B.

B.a. Dans une lettre datée du 30 mars 2020, le VBD a demandé à l’Autorité de protection des enfants et les adultes U.________ (APEA) de prendre en charge A.________. Le 6 avril 2020, le VBD, sur la base de la décision du tribunal cantonal, a ordonné la levée de la mesure d’hospitalisation conformément à l’art. 59 CP à partir du 4 mai 2020.

B.b. Le 28 avril 2020, l’APEA a alors ordonné que A.________ soit hébergé dans le centre de soins B.________. Un recours administratif de A.________ contre cette décision a été rejeté par le tribunal cantonal dans un arrêt du 18 juin 2020.

C.

Le 9 juillet 2020, C.a. A.________ a déposé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral et il a demandé la levée du placement à des fins d’assistance.

C.b. L’APEA et le tribunal cantonal ont tous deux renoncé à présenter des observations en ce qui concerne leurs décisions.

C.c. Le Tribunal fédéral a obtenu les dossiers cantonaux.


Considérations :

1.

1.1 Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) d’une instance cantonale qui, en tant que juridiction suprême, a statué sur un recours (art. 75 LTF). La décision contestée confirme le placement à des fins d’assistance du recourant. Il s’agit d’une décision de droit public en relation directe avec le droit civil (art. 72 al. 2 let. b ch. 6 LTF). Le recourant a le droit de recourir (art. 76 al. 1 LTF) et le délai de recours a été respecté (art. 100 al. 1 LTF). En principe, le recours est recevable.

1.2 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu’il est délimité par les art. 95 s. LTF. En particulier, la violation du droit fédéral, y compris de la Constitution fédérale et du droit international, peut être invoquée (art. 95 let. a et b LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF) et examine en toute liberté si la décision contestée est contraire à la loi. Toutefois, il ne traite que des griefs suffisamment motivés (cf. art. 42, al. 2 LTF ; ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2).

La violation des droits constitutionnels — y compris les garanties contenues dans la CEDH (ATF 125 III 209 consid. 2 avec renvois) — n’est examinée par le Tribunal fédéral que dans la mesure où une telle plainte a été formulée et motivée dans le recours (art. 106 al. 2 LTF ; principe de l’allégation). Il n’examine que les griefs clairs et détaillés et qui sont, dans la mesure du possible, démontrés (ATF 142 III 364 consid. 2.4).

Le Tribunal fédéral est en principe lié par les faits établis (art. 105 al. 1 LTF). A cet égard, le recourant ne peut que faire valoir que les conclusions du tribunal inférieur sont manifestement incorrectes, c’est-à-dire arbitraires, ou qu’elles se fondent sur une autre violation du droit fédéral au sens de l’art. 95 LTF (par exemple, violation de l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale ou de l’art. 8 du Code civil). En outre, la plainte doit indiquer dans quelle mesure la correction des défauts reprochés peut être déterminante pour l’issue de la procédure (voir art. 97 al. 1 LTF ; ATF 137 III 226 consid. 4.2 avec référence). Le principe de l’allégation selon l’art. 106 al. 2 LTF (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1) s’applique également dans ce contexte.

2.

2.1 L’instance précédente s’est fondée sur les conditions préalables au placement à des fins d’assistance prévues à l’article 426 CC et a essentiellement déclaré dans son arrêt que le recourant souffre d’une maladie mentale en raison de laquelle il existe un danger pour lui-même et pour autrui qui ne peut être écarté que par un traitement et des soins médicaux, et que le centre de soins B.________ était, dans le cas d’espèce, une institution adaptée à ce traitement et à ces soins.
Dans son recours, le recourant reconnaît qu’il souffre d’un délire religieux chronique et qu’un état de faiblesse existe à cet égard. Il nie cependant l’existence d’un état de danger qui ne peut être contré que par un traitement ou des soins hospitaliers. Dans la mesure où un danger ne peut être contré que de cette manière, la mesure est disproportionnée car elle équivaut à une privation permanente de liberté en raison de l’absence de possibilité de traitement de la maladie.

2.2 Le recourant déclare à juste titre qu’un placement en foyer d’accueil ne peut être ordonné uniquement pour des raisons de danger pour autrui (ATF 145 III 441). Toutefois, la juridiction inférieure n’a pas fait d’erreur d’appréciation. Elle le dit plutôt expressément dans la décision attaquée (consid. 3.3.1 p. 8, deuxième alinéa). En ce qui concerne le cas spécifique, la juridiction inférieure cite l’expert du tribunal qui a déclaré que si la maladie progressait sans traitement, il y avait une menace de “retrait social, de désorganisation, de négligence et de persistance permanente dans le système de la folie” ; “en outre, le risque de récidive en ce qui concerne les crimes violents augmenterait” (consid. 3.3.2 p. 10). La juridiction inférieure en a conclu que sans mesures, le recourant était menacé de retomber dans un état mental dans lequel il pourrait sérieusement se mettre en danger et éventuellement mettre en danger des tiers. Il est à craindre en particulier que, pour cause de maladie, il ne s’occupe que du Coran et de la prière, mais s’abstienne de manger et de boire de l’eau. Cela créerait un risque mortel pour lui-même. Dans ce contexte, la juridiction inférieure a également mentionné le danger des infractions violentes comme conséquence possible (consid. 3.3.2 p. 10 s.). Par conséquent, il s’agit bien d’une mise en danger de soi.

Certes, elle [la décision, ndt] mentionne également le danger pour les tiers. Toutefois, elle ne fonde pas le placement exclusivement sur ce danger. Dans la mesure où l’instance précédente établit l’existence d’une mise en danger de soi, il s’agit bien d’un risque suffisant pour le placement à des fins d’assistances, pour autant que les autres conditions soient également remplies. Le fait qu’il y ait aussi un danger pour les autres n’empêche pas cela.

À cet égard, la plainte du recourant selon laquelle il s’agissait en fait d’une continuation inadmissible de la mesure pénale sur une nouvelle base juridique n’est pas fondée.

Les dangers qui menacent si la mesure n’est pas prise sont une question de fait, dans laquelle le Tribunal fédéral est lié par les conclusions de l’instance inférieure (article 105.1 LTF). D’autre part, la question juridique est de savoir si ces risques sont suffisants pour justifier un placement à des fins d’assistance.

Il est évident que toutes les formes de placement à des fins d’assistance n’interfèrent pas dans la même mesure avec la liberté de la personne concernée. Par conséquent, la question ne peut être évaluée uniquement sur la base des risques. Ces dangers doivent plutôt être mis en balance avec l’empiètement sur la liberté de la personne concernée, que la mesure entraîne.

Il s’agit là d’une question de proportionnalité, qui sera abordée plus bas.

Le recourant déclare à juste titre qu’un éventuel manque d’observance de la part de la personne concernée en matière de médicaments ne suffit pas (arrêts 5A_288/2011 du 19 mai 2011 consid. 5.3 ; 5A_197/2008 du 2 juin 2008 consid. 2.1 ; 5A_312/2007 du 10 juillet 2007 consid. 2.3). D’autre part, le risque établi de négliger la consommation d’aliments et de liquides peut très bien représenter un danger pour soi-même qui justifie une mesure. Cela s’applique également au risque de négligence, bien qu’il ne soit aucunement justifié dans le cas présent, de sorte que son importance ne peut être évaluée. Contrairement à l’avis du recourant, cependant, la précédente instance a estimé que le danger de refuser de la nourriture et des liquides était suffisant pour se mettre en danger soi-même.

2.3 Comme l’indique à juste titre l’instance inférieure, la finalité du placement à des fins d’assistance est le traitement et les soins de la personne concernée, ces termes devant être définis au sens large (OLIVIER GUILLOD, in : FamKomm Erwachsenenschutz, 2013, N. 48 à l’art. 426 ZGB). Le but de la mesure est, dans la mesure du possible, d’aider la personne concernée à retrouver son indépendance et sa responsabilité personnelle et de lui permettre de mener une existence digne (THOMAS GEISER/ MARIO ETZENSBERGER, in : Basler Kommentar, Civil Code, 6th ed. 2018, n. 14 to Art. 426–439 ZGB). C’est pourquoi le placement à des fins d’assistance ne doit pas être une mesure permanente, mais doit plutôt toujours être limité dans le temps. En conséquence, la loi oblige les autorités à examiner périodiquement l’opportunité de la mesure (art. 431 CC). Cependant, il est dans la nature des choses qu’il y ait des cas où l’état de faiblesse et le besoin d’assistance ne peuvent être éliminés et peuvent même augmenter avec le temps. Dans ces cas également, l’objectif de la prise en charge de la personne concernée est de préserver et de promouvoir ses capacités dans la mesure du possible. Par conséquent, il reste obligatoire de vérifier régulièrement si la mesure peut être affaiblie ou modifiée.

Dans certaines circonstances, cependant, le placement à des fins d’assistance doit être maintenu à long terme. Si aucun traitement médical ne peut améliorer l’état de faiblesse, le placement à des fins d’assistance exige qu’au moins la qualité de vie de la personne concernée soit sensiblement améliorée (GUILLOD, loc.cit., N. 54 ad art. 426 CC). Par conséquent, l’incurabilité d’une maladie n’exclut pas toujours la fourniture de soins.

Le tribunal inférieur, de manière contraignante pour le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), a déclaré, sur la base des différents avis et rapports médicaux, que selon l’état actuel de la science médicale, le traitement de la folie au sens d’une guérison n’est pas possible. Toutefois, elle a également estimé que, sans le médicament et le traitement thérapeutique, il existe une très forte probabilité de rechute immédiate dans un état mental dans lequel le recourant pourrait sérieusement se mettre en danger et éventuellement mettre en danger des tiers. Il était notamment à craindre qu’il s’abstienne de toute consommation de nourriture et d’eau et qu’il s’expose ainsi à un risque mortel. Il s’agit donc de se protéger contre une mise en danger considérable. En principe, il s’agit d’un objectif admissible pour un placement à des fins d’assistance.

Le recourant ne s’y oppose pas sérieusement. Il est incontestable qu’il n’y a pas de possibilité réelle de traitement au sens d’un traitement curatif. En affirmant être dépendant du médicament dans l’intervalle, le recourant admet également que la prise régulière du médicament est nécessaire pour prévenir les rechutes, une détérioration de l’état de santé et une mise en danger considérable de soi-même. À cet égard, les conditions d’un placement à des fins d’assistance sont incontestées.

3.

3.1 Le recourant se plaint que le placement à des fins d’assistance n’est pas proportionné. Le principe de proportionnalité s’applique à l’ensemble du droit de la protection des adultes. Par le passé, il était également possible de bénéficier de soins sans hébergement permanent. Si l’état se détériorait à nouveau de manière soudaine, il pourrait être stabilisé à nouveau grâce à un placement temporaire. L’objectif n’était [alors] pas de le protéger contre une mise en danger, mais de poursuivre la procédure pénale. Toutefois et comme déjà expliqué (consid. 2.2 ci-dessus), le but du placement à des fins d’assistance est de protéger la personne concernée et non de poursuivre une mesure pénale (ATF 145 III 441). La proportionnalité doit donc être mesurée ici exclusivement en fonction de la mise en danger présumée de l’individu.
Toute mesure officielle et donc aussi placement à des fins d’assistance doivent être nécessaires et appropriés pour remplir le but qu’ils poursuivent (art. 389 al. 2 CC). En outre, la mesure ne peut interférer avec la liberté de la personne concernée que dans la mesure où cela est réellement nécessaire. Une personne ne peut être placée dans une institution d’aide sociale que si l’objectif poursuivi par la mesure ordonnée offre une protection suffisante à la personne concernée et si la mesure semble appropriée et raisonnable compte tenu de la situation personnelle de la personne concernée (Message du 28 juin 2006 concernant la modification du Code civil suisse [protection des adultes, droits de la personne et droits des enfants], FF 2006 7062 al. 2.2.11 ; GUILLOD, loc. cit.)
Si plusieurs types de soins et d’assistance sont disponibles, il faut choisir celui qui empiète le moins sur les droits de la personne concernée (YVO BIDERBOST/HELMUT HENKEL, in : Basler Kommentar, Code civil, 6e éd. 2018, n° 12 ad art. 389 CC). S’agissant d’une personne devant être traitée médicalement, cela signifie que le placement à des fins d’assistance n’est autorisé que s’il est clair que les soins médicaux nécessaires ne peuvent pas également être fournis en ambulatoire. Par conséquent, le tribunal doit expliquer les raisons réelles pour lesquelles un traitement ambulatoire ou les soins nécessaires en dehors d’une institution sont, à son avis, hors de question (par exemple, le manque de connaissance de la maladie et du traitement, l’impossibilité de soins par les membres de la famille). Enfin, le tribunal doit exposer les faits sur lesquels il se base pour considèrer que l’institution proposée est appropriée (question juridique ; ATF 143 III 189 consid. 3.3 avec références ; 140 III 105 consid. 2.4 avec références ; arrêt 5A_257/2015 du 23 avril 2015 consid. 2).

Dans la décision attaquée, l’instance inférieure, se fondant sur les déclarations de l’avis médical et des médecins traitant le recourant à la clinique V.________, déclare que le traitement médicamenteux du recourant dans le cadre de la mesure d’hospitalisation a conduit à une rémission partielle mais en aucun cas complète du tableau clinique psychotique.

Les symptômes délirants chroniques avaient été clairement contenus, mais continuaient d’exister en tant que délires fondamentaux. Afin de maintenir et de consolider la rémission fragile des symptômes obtenue, il était nécessaire de poursuivre le traitement antipsychotique à base de médicaments. En outre, une “psychoéducation” [les guillements sont du traducteur]du recourant en ce qui concerne sa gestion des symptômes de la maladie et une structuration claire de la vie quotidienne étaient nécessaires. Elle a ainsi exposé de manière juridiquement correcte les dangers qui existent si le traitement n’est pas administré. Toutefois, il ne ressort nullement de l’arrêt attaqué si des mesures ambulatoires visant à garantir un traitement ont été considérées comme des alternatives. Il aurait également fallu examiner si des institutions plus ouvertes auraient pu être envisagées pour le traitement. Toutefois, compte tenu de l’extraordinaire gravité de la mesure ordonnée — un placement permanent dans un établissement de soins, sur la base des connaissances médicales actuelles, sans aucune perspective d’amélioration malgré le traitement —, des clarifications appropriées auraient été nécessaires, qui auraient également dû être reflétées dans la décision attaquée. La décision contestée ne résiste donc pas au droit fédéral.

3.2 Toutefois, le danger de mise en danger de soi, qui est décrit en détail dans la décision attaquée, ne permet pas une simple annulation du placement à des fins d’assistance ordonné. Les conclusions de l’instance inférieure montrent plutôt que des précautions sont nécessaires pour protéger le recourant. Ces mesures doivent être examinées et pesées à la lumière de la proportionnalité. A cette fin, l’affaire doit être renvoyée à l’instance inférieure pour une nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF). Avec cette décision de renvoi, la procédure se trouve à nouveau au stade de l’instruction en deuxième instance. Étant donné que l’APEA a retiré l’effet suspensif de tout recours, que l’instance inférieure ne l’a pas rétabli et que le recourant n’a pas demandé d’effet suspensif dans le cadre de la procédure devant le Tribunal fédéral, l’hébergement provisoire ordonné par l’APEA est toujours exécutoire.

4.
Le renvoi de l’affaire pour une nouvelle décision est considéré comme un succès complet au sens de l’article 66 al. 1, 68 al. 1 et 2 LTF en ce qui concerne la question de l’imposition des frais de justice ainsi que l’indemnisation des parties, indépendamment du fait qu’elle soit demandée et que la demande correspondante soit faite dans la demande principale ou dans la demande subsidiaire (ATF 141 V 281 consid. 11.1). Aucun frais de justice ne doit être imposé au canton (art. 66 al. 4 LTF), mais le canton doit indemniser le recourant, qui est représenté par un avocat, pour ses frais de procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF).


En conséquence, le Tribunal fédéral dit :

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal de Lucerne du 18 juin 2020 est annulé. L’affaire est renvoyée au Tribunal cantonal afin qu’il puisse se prononcer à nouveau sur la question du placement à des fins d’assistance après avoir examiné si des mesures ambulatoires ou une institution plus ouverte doivent être envisagées.

2.
Aucun frais de justice ne sera facturé.

3.
Le canton de Lucerne doit verser au recourant une indemnité de 2 000 francs pour la procédure devant le Tribunal fédéral.

4.
Cette décision sera notifiée par écrit au recourant, à l’Autorité de protection des enfants et des adultes (APEA) U.________, au Tribunal cantonal de Lucerne, 2e division, à D.________, à l’E.________ et au Département de la justice et de la sécurité du canton de Lucerne.


Lausanne, le 18 septembre 2020

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

Le président de séance : von Werdt

Le greffier : Gutzwiller

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